Association Maladie de Tarlov - Arachnoïdite - Syringomyélie - Europe Quebec

Fuite du LCR (liquide céphalo-rachidien)

Brèche cérébrospinale

La brèche méningée, quel qu’en soit le niveau ou la cause, est responsable d’un syndrome d’hypotension du liquide céphalorachidien (LCR), dont les conséquences cliniques sont parfois au-delà de la céphalée.

La chronicisation de cette pathologie est possible avec des répercussions importantes sur la qualité de vie. L’imagerie médicale qui permet, si besoin de préciser le diagnostic, et les nouveaux schémas thérapeutiques permettent une prise en charge efficace et adaptée, débarrassée des traitements inefficaces, et évitent le passage vers des syndromes douloureux chroniques.

 

SYNDROME D’HYPOTENSION INTRACRÂNIENNE

 

Céphalée

Si toutes les localisations sont possibles, la céphalée secondaire à une brèche méningée (CsBM) est classiquement bilatérale sévère, constrictive, occipitale, occipito-frontale ou diffuse, avec des irradiations dans la nuque, dans le dos et parfois aux épaules.

La CsBM est posturale ou positionnelle.

La céphalée apyrétique, inexistante, calmée ou améliorée par le décubitus dorsal, est déclenchée ou exacerbée lors du passage en orthostatisme (position assise ou debout). Le délai d’apparition ou d’aggravation de la céphalée lors du changement de position est variable, immédiat avec une céphalée explosive, lentement progressive sur plusieurs minutes ou quelques heures, atteignant son paroxysme dans quelques cas en fin de journée. L’absence de caractère postural ou sa disparition doivent faire discuter une autre étiologie, sans pour autant éliminer celui de céphalée par hypotension du LCR. La photophobie fait partie du tableau clinique classique

 

Signes associés

Parfois isolée, la céphalée est accompagnée d’un cortège variable de signes cliniques, dont les plus fréquents sont les nausées et les vomissements, des signes auditifs ou visuels. Sauf le I et le IX, tous les nerfs crâniens peuvent être concernés par les conséquences de l’hypotension du LCR.

 

Altération de l’audition

L’altération de l’audition, signalée spontanément par seulement 5% des patients(hypoacousie uni- ou bilatérale, hypercacousie, distorsion des sons, acouphènes) est l’atteinte la plus fréquente.

Cependant, selon le diamètre de l’aiguille et des seuils de détection, une altération de l’audition est détectée chez 25 à 75% des patients après une ponction lombaire. Il existe une relation entre la taille et le design de l’extrémité de l’aiguille et l’altération de l’audition, les aiguilles les plus fines et les moins tranchantes entraînant les altérations les plus discrètes.

La variété des tableaux cliniques traduit une atteinte de l’oreille interne, ce qui explique l’association non exceptionnelle à un syndrome vertigineux, exceptionnellement isolé et postural.

Les acouphènes, l’hypoacousie et les vertiges sont la conséquence de l'hypotension de la périlymphe. Le déséquilibre périlymphe-endolymphe cochléaire, responsable du phénomène d’hydrops labyrinthique, est à l'origine de l’altération de l’audition. Atteinte de la vision et des nerfs oculomoteurs

L’atteinte du VI (n.abducens) bien que rare (1/400 et 1/8 000), est la plus fréquente après celle de l’audition . La paralysie du VI, bilatérale dans 25 % des cas, se traduit par une diplopie horizontale avec strabisme. Plusieurs points particuliers la caractérisent dans ce contexte.

 

Le délai est parfois long entre la brèche méningée et les premiers signes; le délai médian est de 6 jours, avec des extrêmes entre 3 jours et 3 semaines.

La lenteur de la récupération de l’atteinte du VI suggère une lésion de type neuropraxie ou axonotmésis, expliquée par sa petite taille et son trajet particulier sur la base du crâne, où le nerf est tendu entre l’arête du rocher et le sinus caverneux. De plus, le déplacement caudal de l’encéphale surajoute des lésions de «stretching» sur ce nerf déjà fragilisé.

Le blood-patch est rarement efficace, parce que quand la paralysie est diagnostiquée, la lésion nerveuse est déjà constituée. L’atteinte du III (n.oculomoteur commun) et du IV (n.pathétique) est possible de façon isolée ou combinée. Les CsBMsont parfois accompagnées d'autres signes visuels (flou visuel, phosphènes, baisse de l'acuité visuelle, nystagmus, altération du champ visuel). Ils disparaissent habituellement en mêmetemps que la céphalée.

 

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA CÉPHALÉE SECONDAIRE À UNE BRÈCHE MÉNINGÉE

 

Conséquences de la brèche méningée

La céphalée et autres manifestations cliniques secondaires à la brèche méningée sont liées à la baisse de la pression intracrânienne du LCR. La ponction lombaire entraîne une baisse rapide et prolongée de la pression du LCR ventriculaire. En raison du gradient de pression entre l'espace sous-arachnoïdien et l'espace péridural (40 à 50cmH2O en position assise), le LCR  s'écoule en fonction du diamètre de la brèche et de la pression hydrostatique, d'où le caractère postural des céphalées et des éventuels signes d'accompagnement.

La brèche méningée est responsable d'une diminution du volume de LCR qui assure, entre autres, une fonction d’amortisseur hydraulique de l’encéphale dans la boîte crânienne.

Si le volume du LCR diminue, le volume vasculaire augmente; la baisse du volume de LCR entraîne une vasodilatation cérébrale réflexe, médiée par le trijumeau, provoquant une augmentation linéaire du débit sanguin cérébral visant à restaurer le volume intracrânien normal.

Cela pourrait expliquer une partie de la symptomatologie associée, comme les altérations de la circulation veineuse ophtalmique.

 

Imagerie de l’hypotension intracrânienne

L’IRM, (séquence T1 avec et sans gadolinium) précise la sémiologie iconographique du syndrome d’hypotension du LCR.

Le tableau caractéristique comporte :

un déplacement caudal de l’encéphale et du tronc cérébral;

un déplacement caudal des amygdales cérébelleuses, pouvant dans quelques cas faire évoquer le diagnostic de syndrome d’Arnold-Chiari;

un effacement des citernes prépontiques et chiasmatiques dans plus de la moitié des cas, avec des ventricules latéraux de petite taille, voire effacés;

une dilatation du plexus veineux antérieur vertébral interne (85 % des cas).

une collection liquidienne, rétrospinale ;

un hydrome de localisation spinale, retrouvé dans 70 % des cas.

 

INCIDENCE ET EVOLUTION DES BRECHES MENINGEES

 

Toute brèche méningée (fuite spontanée, accident violent, chirurgie du rachis, ponction lombaire...) entraîne une fuite de LCR, mais toutes les brèches méningées ne sont pas responsables d’un syndrome post-ponction (mais quelquefois). Son incidence varie en fonction de nombreux paramètres. Certains ne sont pas contrôlables, comme le sexe et l’âge du patient. Le risque de développer une céphalée est plus important chez la femme que chez l’homme et plus important chez le sujet jeune que chez le sujet âgé. Le diamètre et les caractéristiques de l’aiguille sont des facteurs majeurs :

Plus le diamètre est important, plus le biseau est tranchant et plus l’incidenceet la sévérité seront importante.

Dans l’immense majorité des cas,la brèche méningée se ferme sans conséquence clinique. Pour les céphalées secondaires à une brèche traumatique, la guérison spontanée est la règle habituelle ; plus de 50 % des patients sont soulagés en 4 jours, et 70 % en moins d’une semaine.

Dans certains cas, la brèche ne se ferme pas, la fuite de LCR se prolonge plus ou moins longtemps, et se constitue alors un syndrome d’hypotension du LCR, qui n’a aucune tendance à la guérison spontanée.

 

Les traitements médicamenteux

Une méta-analyse récente permet de clarifier en partie la place des traitements

médicamenteux dans ce domaine.

La codéine, adjuvant au paracétamol, est peu conseillée car ses effets secondaires (nausées, vomissements) majorent le malaise du patient et compliquent le diagnostic. De plus, tous les dérivés morphiniques sont vasodilatateurs, pouvant majorer la céphalée.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont efficaces comme antalgiques, sans aucune efficacité sur la cause. Les AINS choisis seront de type anti-Cox, à courte durée d’action, n’interdisant pas la réalisation d’un blood-patch.

 

LE BLOOD-PATCH

 

Le blood-patch est le seul traitement causal de la fuite de LCR. Le blood-patch est indiqué dans le traitement des céphalées secondaires à une hypotension du LCR traumatique ou spontanée. Il est aussi efficace pour traiter les autres manifestations de la brèche méningée comme les troubles de l’audition, les troubles visuels, les douleurs cervicales, les vertiges.

La seule étude contrôlée montre que, par rapport au traitement conservateur (repos au lit et hydratation), le blood-patch réduit significativement le nombre de patients douloureux, et dans les cas où il n’entraîne pas la résolution du syndrome, il en réduit significativement l’intensité et la durée. Choisir un neurochirurgien expérimenté dans ce domaine est fortement conseillé.

 

Effet immédiat

 

Le blood-patch agit par deux mécanismes différents, complémentaires et décalés dans le temps.

L’injection de sang autologue dans l’espace péridural entraîne une augmentation de pression péridurale lombaire, supérieure à 80 cmH2O pour un volume de 20 ml. Cette augmentation de pression lombaire entraîne le déplacement céphalique d’un certain volume de LCR, qui tend à normaliser le volume et la pression du LCR intracrânien et ventriculaire. Cet effet est persistant après injection de sang autologue, puisque 15 minutes après un blood-patch de 15 ml, le gain de pression est encore 70 % des valeurs maximales enregistrées. L’augmentation de la pression péridurale lombaire réduit ou arrête la fuite de LCR. Ces modifications des pressions entraînent des modifications immédiates de l’hémodynamique intracrânienne, comme montré chez l’animal, et mesurable sur l’hémodynamique de la veine ophtalmique et sur le diamètre de la gaine du nerf optique chez l’homme. Cet effet entraîne la disparition rapide de la céphalée, parfois au cours même de l’injection du blood-patch.

 

Réalisation du blood-patch

 

Niveau de ponction du blood-patch

Le blood-patch est réalisé au bloc opératoire, dans les mêmes conditions qu’une anesthésie péridurale.

A partir d’une étude en IRM sur 5 brèches traumatiques montrant que l’extension du sang à partir du point de ponction lombaire est plus céphalique que caudale, il est proposé de pratiquer le blood-patch au même niveau, voire un niveau en dessous de la brèche.

Chez les patients souffrant d’hypotension spontanée, une IRM peut mettre en évidence la fuite de LCR ou un méningocèle. Si la brèche n’est pas localisée, le blood-patch lombaire est recommandé en première intention. Un blood-patch thoracique ou cervical ne sera réalisé qu’après échec d’un ou deux blood-patchs lombaires.

 

Volume à injecter

 

Si les volumes injectés varient de 3 à 48ml, deux attitudes sont possibles:

soit injecter un volume prédéterminé, 20ml habituellement, soit privilégier un critère précis, comme l’apparition d’une tension ou douleur lombaire, par exemple. Il existe deux études sur la relation volume-

efficacité. Comparant 7,5 ml vs. 15 ml injectés dans le cathéter péridural pour une brèche obstétricale, les auteurs ne rapportent pas de différence (plus de 75 % de cas disparition de la céphalée) entre deux groupes parturientes. L’incidence plus faible des signes d’irritation radiculaire dans le groupe 7,5 ml suggère de limiter les volumes injectés. Une autre étude (121parturientes) a comparé 3 volumes, 15, 20 et 30 ml. L’incidence de l’amélioration permanente ou temporaire des céphalées était respectivement selon les volumes de 61, 73 et 67% et la guérison totale à j5 de 10, 32 et 26%. Ainsi, le volume adapté se situe entre 7,5 et 20 ml, d’autant que quelques complications comme l'Arachnoïdite et la radiculopathie commencent à être décrites après des volumes importants.

 

Résultats du blood-patch

 

Un décubitus dorsal strict de 2 heures améliore l'efficacité du blood-patch.

Après les résultats des premières publications rapportant des taux de succès entre 95 et 98%, les études actuelles montrent des taux de succès plus faibles, de 65 à 90 %. Une série de 504 blood-patchs, essentiellement des parturientes, rapporte 388 succès complets et 100 succès partiels, pour 36 échecs (7%). Une série de 186 blood-patchs pour des ponctionslombaires médicales, rapporte 90 % de succès définitif, 8,5 % de succès partiels et 1,5 % d’échecs. On peut expliquer cette différence (7% versus 1,5 %) par la différence de la taille de la brèche.

 

Sources : Dr Zetlaoui