Association Maladie de Tarlov - Arachnoïdite - Syringomyélie - Europe Quebec

Névralgie Clunéale inférieure (nerf clunéal)

Introduction

Les patients qui présentent des douleurs chroniques périnéales et fessières sont un véritable challenge dont le démembrement clinique reste difficile et souvent incertain. Depuis plus de 20ans, le concept de névralgie pudendale par syndrome canalaire a permis d’identifier un groupe de patients présentant des caractéristiques cliniques homogènes. La définition consensuelle de critères diagnostiques simples (critères de Nantes [2,3]) a permis de mieux préciser le cadre global de ce syndrome et ses limites.

Les données de l’anatomie nous apprennent que le périnée n’est pas innervé uniquement par le nerf pudendal mais également dans sa partie antérieure par les nerfs issus de la région thoraco-lombaire (nerf ilio-inguinal, ilio-hypogastrique ou génito-fémoral) mais également pour sa partie postérieure et latérale par le nerf cutané postérieur de la cuisse et plus spécifiquement le rameau périnéal distal de celui-ci appelé nerf clunéal inférieur. Ces recouvrements des territoires anatomiques du pelvis et du périnée peuvent rendre incertaine l’interprétation des douleurs.

Parmi les patients qui présentent les quatre critères cliniques de Nantes en faveur d’un syndrome canalaire du nerf pudendal, certains ont un bloc anesthésique peu probant allant contre un conflit pudendal au niveau du ligament sacro-épineux (LSE). Certains ont eu un bloc du nerf pudendal positif et n’ont été soulagés ni par les infiltrations ni par la chirurgie (30%) . Dans les deux cas, l’explication pourrait être rattachée à l’existence d’un conflit (isolé ou non) au niveau du nerf clunéal inférieur, puisque l’infiltration au niveau du LSE n’est pas spécifique du nerf pudendal et est susceptible d’anesthésier à la fois le nerf pudendal et le nerf cutané postérieur de la cuisse.

Ces réflexions ont conduit à essayer d’identifier les patients présentant des douleurs neuropathiques pouvant être liées à une souffrance isolée du nerf clunéal inférieur.

La littérature concernant le nerf clunéal est pauvre. Une recherche bibliographique sur PubMed avec comme mots-clés cluneal nerve inferior ne retrouve que sept articles, avec les mots-clés cluneal nerve inferior, perineal pain et neuralgia que quatre articles. Ces différents articles sont tous cités ici. Les connaissances anatomiques du nerf clunéal inférieur ont été récemment décrites par Darnis et al. et Tubbs et al. notamment. Aucune publication n’a été consacrée à la possibilité d’une névralgie clunéale inférieure.

Le nerf clunéal inférieur naît du nerf cutané fémoral postérieur (nerf cutané postérieur de la cuisse) qui provient des racines S1, S2 et S3. Il se détache médialement de ce nerf cutané fémoral postérieur à la partie inférieure de la fesse, sous le bord inférieur du muscle grand fessier et passe donc sous l’ischion. À ce niveau, il existe en réalité une division en nerf clunéal inférieur à proprement parler à destinée ischiatique et en rameau périnéal. Le tronc commun (que l’on appellera nerf clunéal inférieur) se trouve dans un angle constitué par le muscle grand fessier à la partie supérieure et l’insertion des muscles ischio-jambiers internes. Le rameau périnéal, dans son trajet horizontal, se trouve dans une zone de glissement adipeuse et fibreuse avant de se diviser en branches terminales innervant la partie latérale de la marge anale, les grandes lèvres ou le scrotum. L’innervation ne concerne pas l’anus en lui-même ni la vulve, ni le clitoris, ni la verge.

 

 

Conclusion

Les territoires sensitifs du nerf pudendal et du nerf clunéal inférieur peuvent parfois se chevaucher.

La zone de conflit proximale correspond à une atteinte du nerf cutané fémoral postérieur de la cuisse entre le bord inférieur du muscle piriforme et l’épine sciatique. Cette atteinte entraînerait des lésions du nerf cutané fémoral postérieur de la cuisse et de ses rameaux distaux notamment périnéaux dans le territoire du nerf clunéal inférieur. Cliniquement, cela pourrait correspondre à des douleurs de la face postérieure de la cuisse, de la partie inférieure de la fesse et du périnée, survenant en position assise.

La zone de conflit distale correspond à une compression du rameau périnéal par l’ischion et l’insertion des ischio-jambiers en position assise. Cette atteinte entraînerait des lésions du nerf clunéal inférieur à proprement parler et du rameau périnéal. Cliniquement, cela pourrait correspondre à des douleurs para-anales, du scrotum ou des grandes lèvres avec une irradiation vers la partie médiane de la fesse et la partie supéro-postérieure de cuisse. Ces douleurs seraient déclenchées par l’assise particulièrement sur siège dur du fait de la proximité osseuse.

Ainsi, chez les patients qui se plaignent d’une douleur majoritairement ischio-périnéale aggravée par la station assise, on pourrait évoquer un conflit sur le nerf clunéal inférieur.

La positivité d’un bloc anesthésique local est en faveur d’une atteinte focale située au niveau ou en aval du site d’infiltration.

Il est donc légitime de proposer un bloc anesthésique du nerf clunéal inférieur dans la région ischiatique chez les patients qui présentent des douleurs périnéales d’expression neuropathique, avec des irradiations plus ou moins marquées au niveau de la fesse, de la région ischiatique, ou de la face postérieure de la cuisse, s’aggravant en station assise. La positivité complète de celui-ci apporte alors des arguments forts en faveur d’une névralgie clunéale inférieure par conflit dans la région ischiatique ou en aval et par la même permet d’exclure la responsabilité du nerf pudendal qui ne peut être anesthésié par une infiltration à ce niveau. En effet, ce bloc est extrapérinéal (réalisé à la partie postérieure et basse de l’ischion), la solution ne pénètre pas la partie inférieure du canal d’Alcock.

Parmi les patients qui présentent les quatre critères cliniques de Nantes en faveur d’un syndrome canalaire du nerf pudendal, certains ont un bloc anesthésique peu probant allant contre un conflit pudendal au niveau du LSE ou en aval. Certains ont eu un bloc du nerf pudendal positif mais n’ont été soulagés ni par les infiltrations ni par la chirurgie (30 %) . Dans les deux cas, l’explication pourrait être rattachée à l’existence d’un conflit (isolé ou non) au niveau du nerf clunéal inférieur puisque l’infiltration au niveau du LSE n’est pas spécifique du nerf pudendal et est susceptible d’anesthésier à la fois le nerf pudendal et le nerf cutané postérieur de la cuisse.

L’objectif principal de cette étude a été d’étudier une population homogène de patients présentant une douleur périnéale atypique, essentiellement de par sa topographie (par exemple, irradiation fessière, ischiatique et face postérieure de cuisse) et/ou du fait d’un bloc au niveau du LSE douteux, à laquelle on a proposé un bloc clunéal inférieur ; et notamment d’essayer d’en valider les caractéristiques cliniques communes et les éléments qui pourraient la différencier des patients présentant une atteinte du nerf cutané postérieur de la cuisse dans la région du canal sous piriforme d’une part, et d’une névralgie pudendale d’autre part. Par l’évaluation de la douleur à trois semaines de l’infiltration, nous avons également voulu savoir si le geste à but diagnostique avec le produit anesthésique pouvait aussi avoir une part thérapeutique avec l’adjonction de corticoïdes locaux.

Caractéristiques cliniques des douleurs. Symptômes

 

 

a Questionnaire DN4 de probabilité de douleurs neuropathiques .

b 0 : pas de gêne ; 10 : gêne considérable.

c 0 : pas d’altération ; 10 : altération majeure.

Latéralisation

Gauche

27,8 % (20)

Droite

37,5 % (27)

Bilatérale

34,7 % (25)

 

Topographie

Partie inférieure de la fesse

62,5 % (45)

Ischiatique

33,3 % (24)

Face postérieure de cuisse

50 % (36)

Périnée latéral

43,1 % (31)

Clitoris/verge

6,9 % (5)

 

Autres caractéristiques

Sensation de corps étranger intrarectal ou intravaginal

25 % (18)

Expression neuropathique (DN4)

86,1 % (62)

Caractère insomniant

8,3 % (6)

Déclenchée par assise sur siège dur

98,6 % (71)

Déclenchée par assise sur toilettes

2,8 % (2)

Présence à la marche

6,9 % (5)

 

Retentissement

Gêne dans la vie quotidienne (de 0 à 10)

Légère (< 4)

15,3 % (11)

Modérée (entre 4 et 7)

47,2 % (34)

Sévère (> 7)

37,5 % (27)

Altération de la vie sexuelle (de 0 à 10)

Légère (< 4)

45,8 % (33)

Modérée (entre 4 et 7)

19,5 % (14)

Sévère (> 7)

 

 

Source : Docteurs U. Pouliquen, T. Riant, R. Robert, J.-J. Labat